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PEROLO, cent ans d’existence...

Installée à Blaye, depuis 1961, l’enseigne "PEROLO" fête son centenaire cette année.

La Société des Amis du Vieux Blaye ne pouvait laisser passer cette occasion sans rendre hommage à ceux qui se sont succédé à la tête de cette entreprise depuis 1919. C’est en effet grâce à leur pugnacité, à leur persévérance, à leur audace et à leur intelligence de situation que PEROLO existe encore.

Elle ne pouvait également laisser passer l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui ont œuvré plus modestement au sein de l’entreprise et qui, par la qualité de leur travail manuel ou intellectuel, ont su faire des produits PEROLO ce qu’ils sont encore aujourd’hui : parmi les meilleurs du marché.

RAPPEL : pour agrandir les vignettes, il suffit de cliquer dessus.

1 - La naissance de l’entreprise.

Le fondateur des établissement PEROLO
Joseph-Pierre PEROLO, 1886-1969.
La famille est originaire du Piémont, en Italie.

Tout commence dans les mois qui suivent l’armistice de la première Guerre mondiale, lorsque Monsieur Joseph PEROLO [1] achète un local à usage industriel au 17, rue de Solférino, à Boulogne-sur-Seine [2]. En avril 1919, il créé les Établissements J.PEROLO, atelier de mécanique générale, spécialisé dans la fabrication d’équipements pour l’industrie automobile et aéronautique. Il emploie 15 ouvriers.

Quelques années plus tard, les résultats de l’activité de J.PEROLO lui permettent de se rendre acquéreur de la totalité du terrain sur lequel est construit un pavillon d’habitation à façade sur rue qui se trouve transformé en partie en bureau.

Le 17 rue de Solférinoe à Boulogne-Billancourt (flèche rouge).
La proximité des usines Renault (limites du périmètre en jaune), aura de graves conséquences pendant la guerre.
La photographie aérienne est une copie d’écran du site Géoportail, "remonter le temps".

L’activité de mécanique générale est poursuivie, mais s’oriente davantage vers la fabrication de matériel nécessaire à l’industrie pétrolière, secteur alors en plein développement en France. Progressivement se créé un noyau de clients fidèles parmi lesquels on peut citer les plus importants : la STANDARD FRANÇAISE DES PETROLES, la VACUUM OIL COMPANY, la Cie INDUSTRIELLE DES PETROLES, la RAFFINERIE DU MIDI.

L’accroissement de l’activité nécessite l’agrandissement des bâtiments d’origine et de nouveaux ateliers sont aménagés. En 1937, J.PEROLO, qui emploie une trentaine de personnes, construit un deuxième pavillon à un étage, le premier ayant été entièrement transformé en bureaux.

A la menace de guerre, l’usine prend une part active à l’armement en procédant à l’usinage de groupes de moteurs pour l’aviation de guerre (moteurs SALMSON) ainsi qu’à la fabrication de matériels pétroliers.

En janvier 1939, les Etablissements Joseph PEROLO deviennent "Établissements J.PEROLO & Cie" Société Anonyme au capital de 350 000 francs. Monsieur Joseph PEROLO effectue l’apport de son fonds de mécanique générale pour un montant d’actions de 230 000 francs, le reste des actions est souscrit en numéraires.

Conformément aux prescriptions légales, il est mentionné dans les statuts le chiffre d’affaires et les bénéfices des trois exercices 1936, 1937 et 1938.

Chiffre d’affaires et bénéfices des années 36, 37 et 38.

A la suite des évènements de juin 1940, la production se trouve limitée par les circonstances du moment…

Le 3 mars 1942, la proximité des usines RENAULT lui vaut d’être bombardée une première fois par l’aviation alliée [3]. Remise en état, elle est à nouveau sinistrée le 4 avril 1943 [4]. L’ensemble des installations étant alors endommagé, un état des destructions (matériels, machines-outils, ateliers) est établi mais l’activité commerciale est quasiment arrêtée, seuls subsistent quelques travaux d’entretien pour la clientèle pétrolière.

Relevé des points d’éclatement des bombes larguées par les Alliés.
Les points noirs représentent le bombardement de mars 42, les cercles de même dimension celui d’avril 43.
L’emplacement des ateliers PEROLO est entouré de rouge.

L’usine est quasiment fermée de 1944 à 1946.

La reprise ne sera effective qu’à partir de 1947, avec la reconstruction du pays.

En 1947, J. PEROLO et Cie dépose un "dossier de destructions pour faits de guerre" au Ministère de la Reconstruction. Ils recevront les indemnités correspondantes à leurs demandes avec des paiements échelonnés de 1950 à 1954. Ces indemnités, 16 412 848 francs au titre de la reconstruction et 524 403 francs au titre du remplacement des stocks détruits, vont permettre la reconstitution progressive du matériel de fabrication ainsi que celle des locaux sinistrés. Parallèlement, les contacts établis avec la clientèle de distribution pétrolière décident la Direction de la société à orienter son activité entièrement sur ce secteur, réduisant progressivement les fabrications de mécanique générale.

Les travaux d’aménagement des nouveaux ateliers et d’installation de machines nouvelles permettent un accroissement significatif de l’activité qui se traduit naturellement par une augmentation sensible du chiffre d’affaires. D’un peu plus de 1 million en 1946 il dépasse les 23 millions en 1951. Parallèlement, les investissements en matériels sont importants comme le montre le tableau suivant :

Au début des années 1950, la clientèle de J.PEROLO & Cie comprend, entre autres, des entreprises de renommée mondiale :
  ESSO STANDARD et ses filiales d’Afrique du Nord ;
  SHELL FRANÇAISE et ses filiales d’Afrique du Nord ;
  SOCONY VACUUM Mobil France et ses filiales d’Afrique du Nord ;
  RAFFINERIE DU MIDI ;
  CALTEX ;
  DESMARAIS ;
  BRITISH PETROLEUM et ses filiales d’Afrique du Nord ;
  LILLE BONNIERES COLOMBES et société apparentées ;
  ANTAR ;
  SOCIETE MAROCAINE DES PRODUITS DU PETROLE ;
  PETROFRANCE ;
  STELLINE ;
  PETROLES SOLYDIT ;
  FRANÇAISE DES CARBURANTS ;
  HUILCOMBUS ;
  Etc.

Pierre PEROLO.

Par ailleurs, l’année 1950 marque un virage important dans la vie de la société : Joseph PEROLO cède la place à ses fils Pierre et Claude, le premier devenant Président Directeur Général et le second Directeur Général Adjoint. Pierre, né le 14 novembre 1918, a suivi une formation technique qui l’oriente tout naturellement vers la conduite de l’outil de production qu’il connait bien pour s’y être particulièrement investi durant les années difficiles de l’après-guerre. Claude, né le 22 juillet 1927, autodidacte forcé du fait des évènements dramatiques qu’a connu le pays entre 40 et 45, possède une parfaite connaissance de la langue anglaise qu’il a longuement pratiqué en aidant les aviateurs américains. Excellent négociateur et connaissant bien les arcanes administratives et financières, c’est lui qui prend la direction de la partie commerciale et financière de l’entreprise. C’est également lui qui va élaborer la stratégie générale de PEROLO et accentuer encore les choix effectués par le fondateur en créant et en développant une gamme complète d’équipements pour véhicules-citerne, les matériels pour la distribution des carburants des garages et stations-service, les matériels de chargement des camions et wagons citerne rapidement adoptés par les grandes compagnies pétrolières.

Claude PEROLO.

En 1958, une nouvelle branche d’activité de robinetterie industrielle est développée, pour fabriquer sous licence des robinets à boisseau lubrifié précédemment importés d’Angleterre. Ce nouveau matériel permet à PEROLO de s’intéresser à l’ensemble de l’industrie pétrolière mais aussi gazière qui est alors en plein essor, notamment dans le Sud-Ouest où le gisement de Lacq, découvert en 1951, entre en production en 1957. Cette nouvelle activité est renforcée par la distribution exclusive, acquise par la Société, des vannes hautes pressions NEWMAN McEVOY, utilisées principalement pour les têtes d’éruption de gaz et de pétrole brut.

L’augmentation des ventes d’équipements de matériel pétrolier PEROLO auxquels s’ajoutent les nouvelles fabrications de robinets sous licence oblige la Société à s’étendre. Cela d’autant plus que la clientèle se refuse parfois à confier des marchés importants, craignant que les moyens de production ne permettent pas de "tenir le coup".

Les frères PEROLO cherchent donc, dès 1957-1958, une solution pour résoudre ce problème d’agrandissement et rassurer la clientèle de l’entreprise. Globalement, deux solutions s’offrent à eux : acheter un terrain de taille suffisante et construire de toute pièce une usine neuve ou bien trouver "la perle rare" qui satisferait les besoins nouveaux. A l’issue de cette première réflexion se pose bien évidemment la question du lieu. Le problème n’est pas évident à résoudre car, depuis quelques années, l’État a lancé une ambitieuse politique d’aménagement du territoire pour rééquilibrer le tissu industriel, mais également démographique, entre les régions, au détriment de Paris et de sa banlieue. Ainsi, la décentralisation des activités en province s’avère rapidement la seule solution réaliste.

Exemples de produits PEROLO.
Ils s’agit d’un extrait du catalogue des équipements produits à Boulogne-Billancourt dans les années 50.

Ce premier choix effectué, la prospection commence.

La région de Grenoble, alors en plein essor, est assez rapidement écartée, notamment à cause de la raréfaction de la main d’œuvre et des prix relativement élevés des terrains à bâtir et des logements. Considérant les dispositions gouvernementales en faveur des zones économiques critiques et leurs besoins, les frères PEROLO en viennent à retenir deux zones d’installation possibles : Montpellier ou Bordeaux.

2 – L’installation de PEROLO à Blaye.

A plus de 530 kilomètres au Sud-Ouest de Boulogne-Billancourt, sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde, la situation économique se caractérise par une récession continue depuis la période 1948-1950. Elle n’est donc guère brillante, comme l’exprime sans ambiguïté le sous-préfet de Blaye par une note rédigée en 1960 :

1. évolution de l’emploi :

2. baisse du trafic du port, qui est passé de 75 000 tonnes en 1950 à 52 000 tonnes en 1960 ;
3. atonie du marché viticole, le vignoble blayais produisant pour une large part des vins de consommation courante, la grande majorité des viticulteurs ne s’étant pas encore lancés dans la production d’appellations contrôlées de qualité.

Dans ce contexte particulièrement morose, l’avenir du premier employeur de la région est devenu une préoccupation majeure et cela d’autant plus que ses propriétaires ont clairement annoncé leur intention de mettre un terme à leurs activités à Blaye.

Construction de l’usine de Blaye.
Cette usine a été construite dans les premiers mois de l’année 1940, grâce essentiellement à la main d’œuvre des Espagnols ayant fui leur pays après la guerre civile et non concernés par la mobilisation de l’armée française.

Construite entre 1939 et 1940, à la demande du Ministère de l’Air pour décentraliser les activités industrielles sensibles devant l’imminence d’un nouveau conflit avec l’Allemagne, cette usine a d’abord accueilli l’entreprise Bougie BG, venue de la région parisienne, qui fabriquait alors sous licence des bougies pour des moteurs d’avions [5], d’où son nom de " la bougie BG" ou plus couramment "La BG", à ne pas confondre avec l’ABG qui lui succédera quelques années plus tard !

Exemples de produits ABG.
L’ABG a beaucoup travaillé pour le ministère des Armées.
NOTA : elle ne fabriquait aucun avion, mais des pièces constitutives de certains appareils, comme pour le Fouga Magister représenté ici (palonnier, tringleries de commandes, tôles diverses, etc.).

Durant la guerre, l’entreprise est réquisitionnée et travaille au profit de l’occupant, dans le même secteur d’activité.

Dès le 2 octobre 1944, soit guère plus d’un mois après la libération de Paris, sous l’impulsion de Bernard DELORD [6], l’un de ses principaux actionnaires, la Bougie BG fusionne avec les sociétés Ariès [7] et SFEDR [8] pour former la Société Anonyme ABG qui deviendra propriété du Groupe Quilmès et de la Banque Union Parisienne (BUP) [9]. Dans son usine de Blaye, l’ABG a une production extrêmement diversifiée conséquence naturelle de son état de sous-traitant : des culots de bougie, bien évidemment, mais aussi des pièces mécaniques pour l’aviation (rampes d’allumage, pédales, tringleries, taules d’aluminium pour Morane-Saulnier, Fouga ou encore Potez), des munitions (obus de mortiers, roquettes, tubes lance-roquettes, maillons de bandes de mitrailleuses), de la mécanique de précision (photocopieuses Minnesota, boussoles, etc.) et enfin des moteurs VAP [10]. Ces derniers équipent en particulier les cyclomoteurs des marques LUCER et ALCYON, situées à Hazebrouck dans le Nord et ceux de la société RHONSON de Lyon.

Or, vers le milieu des années 50, LUCER achète ALCYON, puis fusionne avec RHONSON. Dans la concurrence acharnée que se livrent les grandes marques de fabricants de cyclomoteurs dont la demande explose, un accord intervient entre LUCER/RHONSON et l’ABG en octobre 1959 pour fusionner et créer une nouvelle société dénommée "VAP". Cette dernière entreprend dès lors de regrouper toutes ses activités sur le site d’Hazebrouck [11], où elle est déjà solidement implantée et où existent de fortes potentialités immobilières.

La production phare de l’usine ABG de Blaye.
Les moteurs VAP.

Tout naturellement l’usine de Baye se trouve alors trop excentrée par rapport à ce site et sa rentabilité en souffre : le déficit atteint 30 millions en 1960. La décision est rapidement prise de se séparer de cette unité de production, quitte à la fermer purement et simplement dès 1961 si l’on ne parvient pas à trouver un repreneur.

Pourtant, cette usine possède des atouts indéniables. N’ayant subi aucun dégât matériel durant la guerre, elle dispose d’un parc de machines-outils anciens, certes, mais son état d’entretien général est excellent. Elle dispose également d’une liaison directe avec la voie ferrée, de larges possibilités d’extension, enfin son climat social est bon malgré des conditions de travail que l’on qualifierait aujourd’hui de particulièrement dures. Selon le cabinet parisien d’affaires THOUARD, c’est l’une des usines les plus modernes et les plus attractives du Sud-Ouest.

Son seul défaut est de se situer hors de la zone de conversion de Bordeaux. Ces zones, voulues par l’État à la fin des années 50, avaient pour but de revitaliser les grandes villes de province suite à la création de CEE [12], tout en poursuivant la politique générale de décentralisation entamée quelques années plus tôt. Concrètement, les entreprises qui s’y installaient pouvaient bénéficier de facilités essentiellement financières (primes calculées sur le montant des investissements, aides à la formation ou à l’adaptation de la main d’œuvre, possibilités d’obtenir des prêts à taux préférentiels, etc.).

En avril 1961, par le biais des chambres de commerce de Paris et de Bordeaux, les frères PEROLO apprennent l’existence et la mise en vente d’une usine de construction métallique à Blaye. A tout hasard, Pierre, en technicien pointilleux, demande à visiter cette "usine à vendre" qui lui paraît d’emblée dépasser les possibilités financières de la société. Il est néanmoins séduit par l’aspect des locaux, dont il discerne aussitôt toutes les ressources d’utilisation, et puis cette usine fonctionne…

L’usine ABG de Blaye en 1961.

Même s’il ne fait aucune offre, l’intérêt qu’il lui porte n’échappe pas aux personnalités qui l’accompagnent. Dès lors et compte tenu de l’urgence de la situation pour le Blayais, les autorités locales et régionales vont déployer des trésors d’imagination pour faire en sorte que J.PEROLO & Cie vienne s’installer sur les bords de l’estuaire de la Gironde.

Conscients des avantages que présente la solution blayaise et bien que la taille de l’entreprise soit supérieure à ce qu’ils souhaitaient, deux raisons essentielles vont pousser les frères PEROLO à choisir ce site :
  en premier lieu, la présence sur place d’une main-d’œuvre qualifiée qui ne nécessitait qu’un temps de formation ou de réadaptation assez court, par ailleurs réputée pour son savoir-faire et son envie de travailler ;
  en second lieu, l’inclusion, dans le marché, de logements situés à proximité de l’usine pour le personnel souhaitant quitter Boulogne-Billancourt pour venir s’installer et travailler sur les bords de l’estuaire.

Après beaucoup de cogitations et maintes journées de réflexions, le choix de Blaye est finalement effectué. Dès lors, les choses sont menées tambour battant : premier examen du projet d’implantation en mai, nouvelle visite de l’usine en juin, accord de principe fin juillet, constitution des différents dossiers, signature du protocole comportant la promesse de vente et d’achat le 4 août, signature de l’acte d’achat pour la somme de 850 000 NF le 15 novembre, soit 6 mois pour réaliser l’affaire !

Il convient de souligner la véritable prouesse réalisée tant par les acheteurs que par les services concernés et cela malgré les semaines de congés estivales... Il est vrai que la situation de l’emploi à Blaye nécessitait une action énergique de la part des Élus comme des autorités étatiques, chacun agissant de son côté, tout a été fait pour que le dossier aboutisse en quelques mois. Seule ombre au tableau, Claude PEROLO regrettera que malgré la dépose à temps des différents documents, les aides gouvernementales promises n’aient pas été au rendez-vous… Heureusement que les banques ont su faire preuve de compréhension et de réactivité…

Après le déménagement [13] , débuté en octobre et terminé fin novembre 61, l’installation de l’outillage complémentaire et l’aménagement de nouveaux ateliers, c’est l’organisation du magasin des pièces détachées, sous-ensembles et pièces finies qui va s’avérer le problème le plus ardu à résoudre. Claude PEROLO en témoigne : "…dans la mesure où le déménagement oblige à repenser logiquement tout le stock magasin en fonction du processus de fabrication, il peut avoir des conséquences bénéfiques. Puisqu’il faut pratiquement repartir à zéro, il devient possible de refaire un classement mieux adapté aux exigences de la productivité. Mais de toute manière, il y a loin du classement théorique idéal à la réalité pratique et cela même si l’on a toute latitude d’action…".

Simultanément à l’incontournable période d’installation, débute celle de la formation et de l’adaptation professionnelle des quelques 110 personnels embauchés par PEROLO, ce qui correspond à environ 80 % de l’effectif global de l’ABG [14]. Cette formation, assurée par les cadres de Boulogne-Billancourt a été particulièrement rapide et réussie, notamment par le fait que cette main d’œuvre avait "l’esprit mécanique" et était déjà expérimentée. Ainsi, la période de rodage de la production ne va durer que quelques mois et l’usine de Blaye atteindra le plein rendement dès le milieu de l’année 1962.

L’ABG devient l’usine PEROLO.
La transformation est patente...

Sur le plan organisationnel, ce n’est pas toute l’entreprise J.PEROLO & Cie qui est venue s’installer sur les bords de la Gironde. En effet, la Direction Générale, les services administratifs, financiers, la Direction Commerciale, les Etudes de Marchés et les Services Ventes et Exportation sont restés en région parisienne (à Gentilly, aux portes Sud de Paris) et ce sont les services de production, d’ordonnancement, d’achats, de contrôle, d’expéditions ainsi que les différents magasins indispensables à toute activité industrielle qui sont venus s’installer à Blaye, sous la direction de Pierre. Claude, quant à lui, bien qu’également installé dans notre ville, assure le management de l’équipe parisienne et la liaison avec la clientèle. Il passe ainsi la moitié de son temps à l’extérieur, malgré les moyens modernes de communication qui relient les deux entités (PEROLO s’est équipé d’un télex dans chacun de ses établissements et d’une ligne téléphonique privée pour relier directement l’usine de Blaye aux bureaux de Gentilly).

Entièrement dévolue à l’industrie du pétrole, du gaz, de la chimie, la production comprend notamment :
  pour les champs pétrolifères ou gaziers, des vannes hautes pression, des têtes de puits, des tubulures, des robinets, des accessoires divers ;
  pour le raffinage, des bras de chargement, des robinets à tournant lubrifié, des dispositifs de mise à terre ;
  pour le transport routier, tous les accessoires équipant les camions citernes ou semi-remorque (dôme de remplissage et de visite clapets de sécurité, vanne de déchargement ou de dépotage, soupapes de sécurité, etc.) ;
  pour les dépôts de stockage, bras de chargement par le haut, par le bas, équipements spéciaux automatisés, dispositifs de mise à terre, robinets à vanne et tournants ;
  pour les stations-services distribuant les carburants sur la voie publique, des clapets de retenue, des évents (pour assurer la bonne ventilation des cuves), des petits accessoires divers (plaque d’identification des produits pétroliers, bouche de remplissage, bouche de jaugeage, raccords symétriques, etc.).

Exemples de produits PEROLO.
Il s’agit d’un extrait du catalogue des produits fabriqués à Blaye et exposés lors des foires nationales ou internationales (Londres, Hambourg, Munich, Turin, Barcelone, etc.).

Il importe de souligner combien l’arrivée de PEROLO marque une avancée considérable pour les conditions de travail des employés de l’ancienne ABG. Au-delà de la prise en compte de leurs besoins élémentaires en matière d’hygiène et de sécurité du travail, de l’attribution d’équipements individuels de protection (vêtements, lunettes, gants, chaussures de sécurité, etc.) c’est aussi une évolution très sensible du management qui fait son apparition. Elle est terminée l’époque où les dirigeants considéraient avec mépris leur personnel, en leur indiquant la porte grande ouverte s’ils n’étaient pas satisfaits de leur sort…

A la fin des années 70, Pierre PEROLO se retire des affaires en prenant sa retraite [15] et laisse Claude s’occuper seul de l’entreprise.

Dans les années 90, le groupe PEROLO poursuit son développement, il emploie 150 personnes, répartis entre le pôle de conception et de fabrication, soit environ 130 personnes à Blaye, et le pôle direction à Gentilly. L’entreprise consacre 4 % de son chiffre d’affaire à la fonction recherche/développement et l’ensemble de son catalogue est protégé par plus de 250 brevets, marques et modèles déposés. Enfin, PEROLO, certifié aux normes NF, API, ISO, CEN, répond aux exigences des réglementations internationales et des directives européennes du transport des matières dangereuses.

Ayant atteint sa plein maturité, l’entreprise est devenue un acteur incontournable, sur le plan national, à tous les stades du transfert de fluides, depuis le chargement, le transport, le stockage et la distribution. Dans ce cadre, il importe de souligner l’intuition de Claude PEROLO qui est l’un des premiers à percevoir l’importance que va prendre dans les années à venir un nouveau mode de transport des fluides, le conteneur-citerne. L’idée n’étant pas de construire ce matériel qui ne rentre pas dans le champ de compétence de l’entreprise, mais de produire les accessoires indispensables à son utilisation, à l’identique de ce qui a été fait pour les camions-citernes dans les années 50.

3 – PEROLO au 21ème siècle.

En 1996, le groupe PEROLO réalise un chiffre d’affaire de 110 millions de NF, dont 45 % à l’exportation, pour un bénéfice net avant impôt de 1,4 million. C’est une affaire saine qui suscite la convoitise, notamment de son principal concurrent européen, l’anglais SYLTONE.

Basée à Bradford, au Royaume-Uni, SYLTONE Ltd. a été fondée en 1962. Exerçant son activité dans le même secteur que PEROLO, présente en Amérique, en Europe et en Asie-Pacifique cette Société estime que dans le contexte de la mondialisation, seul un grand groupe européen est capable de faire face à la concurrence. SYLTONE propose donc de racheter PEROLO.

Parvenu à l’âge de se retirer des affaires, il a alors 71 ans, Claude PEROLO décide de répondre favorablement à l’offre de SYLTONE, qui lui propose 120 millions de francs et promet de maintenir l’activité industrielle de l’usine de Blaye pour que le personnel n’ait pas à en souffrir. L’affaire est conclue en 1998.

Ainsi se termine la saga des PEROLO à la tête de l’entreprise éponyme. Claude, le dernier du nom, quittera Blaye en laissant derrière lui l’image d’un chef d’entreprise unanimement apprécié, par ses qualités humaines, son dynamisme mais aussi sa sociabilité. Lui-même témoigne encore aujourd’hui de son grand attachement au personnel de l’usine de Blaye, à son goût du travail bien fait, à sa disponibilité, au sens de l’entreprise qui était le sien et aussi au véritable climat d’estime réciproque qui, au-delà de la position de chacun, s’était naturellement instauré. Il convient également de rappeler combien Claude PEROLO s’était impliqué dans la vie sociale Girondine : il a assuré pendant plusieurs années la présidence de la Fédération de la Métallurgie du Sud-Ouest ; il a également assuré la présidence du ROTARY Club de BLAYE de juillet 1966 à juin 1967 ; enfin il a présidé aux destinées de notre société, la S.A.V.B, pendant onze années en y œuvrant avec opiniâtreté et dévouement à un moment délicat puisqu’il a pris la succession de son fondateur Paul RABOUTET, décédé en 1968.

Un chef d’entreprise unaniment apprécié.

Dès le début des années 2000 SYLTONE se trouve dans l’obligation de rationaliser les activités au sein de son groupe. Ainsi, malgré les promesses faites à Claude PEROLO, certaines activités de PEROLO SA sont délocalisées vers des filiales allemandes et anglaises de SYLTONE. Cela entraîne un plan social qui va concerner une trentaine de personnes.

A la fin de l’année 2003, GARDNER DENVER INC leader mondial américain dans le domaine des pompes et compresseurs destinées à l’industrie pétrolière lance une opération publique d’achat (OPA) sur SYLTONE pour se renforcer sur le marché européen. L’usine PEROLO se trouve bien évidemment dans la corbeille de la mariée. L’OPA aboutit favorablement en janvier 2004, PEROLO, au même titre que les autres sites de SYLTONE, passe donc sous le contrôle des Américains.

Lors de sa tournée des différentes filiales et entreprises de l’ex-SYLTONE, le PDG de GARDNER DENVER vient tout naturellement visiter le site de Blaye. Son interlocuteur, Thierry BOURGUIGNON, le directeur général, se rend bien vite compte du peu d’intérêt que suscite PEROLO pour le manager américain. A l’évidence, la production de l’entreprise est trop éloignée de son cœur de métier.

PEROLO est sauvé.
Thierry BOURGUIGNON (en cravate) et Pierre SURMAN ont relevé le défi avec brio.

Supputant comment les choses allaient tourner pour PEROLO, Thierry BOURGUIGNON et son épouse auxquels s’associe Pierre SURMAN, le directeur technique, ne peuvent se résigner à laisser disparaître cette entreprise qu’ils connaissent bien et dont ils n’ignorent pas le potentiel. Ils franchissent donc le pas et prennent tous les risques en créant la holding BIP ("Blaye Industrie Participations") pour racheter PEROLO à GARDNER DENVER INC.

Ce sera chose faite en 2005.

Dès la reprise de la Société, Thierry BOURGUIGNON et Pierre SURMAN s’attachent à développer l’affaire à l’international. Ils créent, à la fin de l’année 2006 PEROLO Distribution BVBA, entreprise de représentation et négoce pour les pays d’Europe du Nord. Pour faire face à l’explosion du marché du conteneur, ils ouvrent une usine en Chine, en 2007. Enfin, BIP Distribution est lancé en 2008 pour effectuer du négoce de robinetterie industrielle en Europe du sud.

En 2008, comme la plupart des entreprises, PEROLO est touché de plein fouet par la crise, mais l’équipe dirigeante fait face avec pragmatisme [16] et sans sacrifier le personnel puisque finalement seuls trois employés seront licenciés malgré une chute très sensible de l’activité.

A partir de 2010, les choses s’améliorent et aujourd’hui PEROLO se porte bien puisqu’il est le numéro deux mondial dans son domaine d’activité. L’entreprise emploie 80 personnes et réalise l’essentiel de son chiffre d’affaire à l’étranger, principalement en Chine où une nouvelle usine située à RUDONG, province du JIANGSU, remplace depuis 2015 celle qui avait été construite près de Pékin.

En 2014, PEROLO ouvre, à Singapour, un centre de distribution destiné au marché du sud-est asiatique.

Enfin, PEROLO développe une activité nouvelle pour mieux rentabiliser ses investissements lourds. Il s’agit de la découpe Laser de pièces de métal réalisée par BIP Distribution qui connait un réel succès auprès des particuliers, mais aussi et surtout auprès des entreprises de la région bordelaise et même au-delà.

PEROLO
Le fruit de l’expérience.

Pour tous ceux qui veulent en savoir davantage sur ce qu’est aujourd’hui PEROLO, l’auteur de ces lignes ne peut que conseiller la visite de ces deux sites :
 http://www.perolo.com/
 http://www.perolodistribution.com/

Sources :
Cet article a été rédigé principalement à partir des archives de la famille PEROLO, archives désormais détenues par la Société des Amis du Vieux Blaye.
Enfin, de nombreuses recherches sur Internet ont permis de trouver les éléments de réponse concernant les questions relatives à l’ABG et aux moteurs VAP. L’on doit notamment citer ces excellents sites dont ont été extraites certaines illustrations :
 https://cyclememory.org/fr/search-eng-list?brandID=906&engineID=e_Vap4--
 http://cyclovap.fr/la-marque-vap
 http://fp.fifou.free.fr/?p=2231


Notes

[1Joseph PEROLO décédera dans sa résidence du Monteil, à Blaye, le 1er octobre 1969. Il repose au cimetière de Cagnes-sur-Mer.

[2C’est en 1926 que Boulogne-sur-Seine, commune résidentielle, et Billancourt, commune ouvrière, fief historique des usines Renault, vont fusionner pour devenir "Boulogne-Billancourt"

[3Le 3 mars 1942, 253 bombardiers anglais attaquent les usines RENAULT à Boulogne-Billancourt. Il s’agit du premier bombardement de saturation pratiqué par les Britanniques et il servira de test pour l’attaque des villes allemandes. Sur le plan matériel, 11 % de la surface des usines Renault est détruite, 5 % des machines présentes et une centaine de véhicules. Aux alentours, l’on dénombre 600 civils tués et plus de 1 500 blessés.

[4Le bombardement d’avril 1943 fait plus de 400 victimes.

[5La licence appartenait à la BG Corporation, entreprise américaine fondée vers 1918 à New York et spécialisée dans la fabrication de bougies pour l’aviation. Avec l’arrivée massive des moteurs à réaction, la BG Corporation a vu ses commandes diminuer inexorablement. Elle va disparaître en 1964, remplacée par l’entreprise BG Service Company qui existe encore aujourd’hui.

[6Enfant du Blayais, Bernard DELORD était ingénieur des Arts et Métiers, il fut maire de Blaye de 1953 à 1965.

[7Ariès était une société de construction d’automobiles et de camions. Créée en 1903 en région parisienne par le baron Charles PETIET, elle a disparu en 1938.

[8SFEDR : Société de Fabrication d’Engrenages à Denture Rectifiée.

[9Le groupe Quilmes est une holding de droit luxembourgeois ; la BUP était une banque d’affaire créée en 1904. En 1973, elle fusionne avec le Crédit du Nord lui-même racheté en 1997 à Paribas par la Société Générale.

[10Les moteurs VAP du nom de leurs créateurs (Pierre Vérots et Pierre Andriot dont l’acronyme VAP signifie "Vérots-Andriot-Pierre") commencèrent à être produits par l’ABG de Blaye à la fin de l’année 1948. Ils vont compter vingt modèles dont la puissance s’échelonnait entre 48 et 110 cm3, seuls les premiers modèles ont été produits à Blaye. Ils sont facilement reconnaissables car estampillés "ABG" contrairement à ceux produits après 1961 qui le seront "VAP". Un excellent site qui devrait plaire aux curieux : http://cyclovap.fr/

[11Hazebrouck est situé dans le Nord, à 35 km au sud-est de Dunkerque et à 10 km de la frontière belge.

[12Le traité de Rome, signé en 1957, instaure la Communauté Économique Européenne (CEE). Globalement, ce traité mettait en place l’union douanière qui permettait la libre circulation des produits dans la CEE, constituant ainsi véritablement "le marché commun".

[13Le déménagement, réalisé par l’entreprise GROSPIRON, a concerné près de 450 tonnes de machines-outils, d’outillage, de pièces à usiner (28 tonnes) et de pièces brutes (18 tonnes).

[14A la cession des activités de l’usine ABG, le site comptait alors 130 personnes.

[15A la rédaction du présent article, avril 2019, Pierre PEROLO a 101 ans et possède encore tous ses moyens.

[16Devant la baisse des commandes, la Direction a arrêté les contrats intérims et CDD, puis procédé au non-remplacement des départs naturels. Il a été aussi demandé aux salariés de poser leurs jours de repos à certaines dates pour fermer l’usine. Aucune mesure de chômage partiel n’a été mise en œuvre.





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