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La défense des côtes au XIXème siècle, le cas de Blaye (partie 3)

Dans un article précédent (http://www.vieuxblaye.fr/spip.php?article102) nous avons abordé les formes prises par la défense des côtes, à Blaye, au milieu du XIXème siècle.

Aujourd’hui nous allons nous intéresser à la seconde partie de ce même siècle, caractérisée par une évolution majeure des techniques de l’armement gros calibre qui va provoquer, dans ce domaine, une véritable rupture avec le passé.

Préambule.

En décembre 2010, nous avons publié un article intitulé "La renaissance du verrou de l’estuaire 200 ans après sa création" dont le but était de présenter les batteries d’artillerie installées dans la citadelle à la fin du XIXème siècle. Élaboré à partir des documents dont nous disposions à l’époque, il mérite à présent d’être actualisé et approfondi.

Historique de la Citadelle.
Historique écrit par le colonel QUEVILLON vers 1906.
Le COL QUEVILLON a commandé le 144ème RI de 1897 à 1905.

En effet, une volumineuse documentation recueillie par Monsieur Simon ADO [1] tant à Vincennes, qu’à Rochefort que chez des particuliers à Blaye et gracieusement mise à notre disposition a permis d’améliorer nos connaissances sur cette période toujours méconnue de la grande majorité des Blayais.

État de la technique "artillerie" dans les années 1860.

La guerre de Crimée (1854-1855) est le révélateur de bien des insuffisances de l’armée du Second Empire, et notamment de celle de son artillerie, tant en termes de portée des pièces, que d’efficacité des projectiles. Il est vrai que les limites du boulet ont été atteintes et qu’il devient indispensable de trouver autre chose.

Les armes portatives avaient déjà franchi le pas : depuis la fin des années 1850, tous les fusils de l’’infanterie française disposent d’un canon rayé et tirent une balle oblongue. La rotation du projectile sur lui-même tout au long de sa trajectoire améliore en effet grandement sa stabilité, tout en lui conférant une précision et un pouvoir perforant jusque-là inégalés.

Le siège de Sébastopol (1854-1855).
Il s’agit d’un extrait du monumental panorama (14 m de haut sur 115 m de long) réalisé en 1904 par Franz ROUBAUD. Cette œuvre est visible aujourd’hui à Sébastopol.

Avec l’abandon du tube lisse et de la balle ronde, le chargement par la culasse représentait l’ultime perfectionnement du fusil, ce sera chose faite à partir de 1866 avec l’adoption du fusil Chassepot. [2]

La solution consistait donc à transposer ces différentes techniques aux armes de gros calibre, encore convenait-il de disposer des outils et du savoir-faire nécessaires.

En France, c’est un jeune capitaine d’artillerie, Treuille de Beaulieu qui, le premier, a réellement tenté de résoudre ces différents problèmes. Il y parviendra pour la rayure des tubes mais son projet de culasse à vis sera, hélas, rejeté par le Comité d’artillerie. Le système alors adopté, une artillerie rayée se chargeant par la bouche (système La Hitte), montrera ses insuffisances face à l’artillerie prussienne au cours de la guerre de 1870. [3]

Bouche du canon La Hitte Mle 1858 et obus à tenons.
Il s’agit de l’un des premiers canons rayés (6 rayures). Les obus de forme oblongue munis de tenons en zinc sont les premiers de ce type utilisés par l’armée française.

L’artillerie des côtes, celle qui nous intéresse ici, connaît bien évidemment les mêmes problèmes que l’artillerie de campagne. En résumé, les seuls progrès réalisés dans les années 1860 concernent le rainurage des tubes, leur renforcement par frettage ainsi que l’amélioration de la forme des projectiles. Le chargement se fait toujours par la bouche, ce qui génère de faibles cadences de tir et empêche l’utilisation de mises de feu de l’obus par son ogive.

Une arme de défense anti-navire dont on parle beaucoup en 1868.

De tous les engins destructifs inventés pour les besoins de la guerre navale, la torpille (on dirait aujourd’hui "mine marine" ou "mine sous-marine") est sans conteste le plus redouté dans les années 1860 car il est totalement invisible et terriblement efficace.

Comme la plupart des inventions, celle de la torpille fait l’objet de nombreuses discussions. Une chose est néanmoins certaine, son principe existe au moins depuis 1777, date à laquelle un ingénieur américain, David Bushnell (1742 -1824), par ailleurs inventeur du premier sous-marin, parvient à réaliser un prototype qui fonctionne. Quelques années plus tard, un autre Américain, Robert Fulton (1765 – 1815) travaille à son tour sur cette idée et parvient à des résultats remarquables. Son invention est néanmoins refusée par le gouvernement anglais.

Pendant la guerre de Crimée (1853-1856), les Russes emploient sans grand succès des torpilles pour la défense des ports de Cronstadt et de Sébastopol, leur charge de poudre étant insuffisante. En revanche, pendant la guerre civile américaine (guerre de Sécession, 1861-1865), l’utilisation des torpilles permet aux confédérés de détruire plus de 30 navires fédéraux. La réputation d’efficacité des torpilles était faite et dès lors chaque grande nation va s’y intéresser.

Différents types de mines sous-marines utilisées pendant la guerre civile américaine.
La mine en bas à droite est à mise de feu à friction, les trois autres sont à percussion.
L’enveloppe de ces mines est métallique, mais il en existait aussi en bois, fabriquées à partir d’un tonneau.

A la fin des années 1860, une torpille est constituée d’un charge comprise entre 0,5 et 2 tonnes de poudre noire, enfermée dans un container étanche, en bois ou en métal, et doté d’un système de mise de feu commandé ou automatique. Pour des raisons d’efficacité, l’immersion doit être comprise entre 8 et 25 mètres de profondeur, c’est donc l’arme idéale pour défendre une passe, un port ou bien encore une rade.

Les torpilles à mise de feu commandée sont appelées "torpilles dormantes". Elles reposent sur le fond, sont disposées en ligne et leur fonctionnement est déclenché au passage du navire par deux opérateurs situés sur la berge.

Les torpilles dont la mise de feu est automatique, sont appelées "torpilles vigilantes". Ancrée au fond marin, elles sont maintenues entre deux eaux et fonctionnent au passage d’un navire à proximité. Leur système de mise de feu étant assez rudimentaire et dangereux pour les uns comme pour les autres, leur emploi était réservé à des cas bien spécifiques.

Enfin, il convient de souligner que comme tout obstacle destiné à arrêter un ennemi, la ligne de torpille n’avait d’efficacité que si elle était sous le feu d’une batterie amie, ce qui interdisait toute tentative de "détorpillage" (on dirait aujourd’hui déminage…) par dragage des fils.

La guerre de 1870 dans l’estuaire de la Gironde.

Le 19 juillet 1870, l’empire français déclare imprudemment la guerre au royaume de Prusse ainsi qu’à ses alliés, la confédération de l’Allemagne du Nord et les États allemands du sud. [4] Six semaines plus tard, l’armée impériale est balayée, l’empereur lui-même, ayant capitulé à Sedan le 2 septembre est prisonnier des Prussiens. La toute nouvelle 3ème République, instituée dès le 4 septembre, tente alors de rétablir une situation fortement compromise.

A Bordeaux, dès l’annonce de la déclaration de guerre, l’avenir du commerce préoccupe davantage les armateurs et les gros négociants que le succès des armes de la France…

L’Embuscade (flèche).
C’est une batterie flottante d’environ 1500 tonnes, dont l’armement principal est composé de 4 canons de 19. Sa propulsion mixte (voile et charbon) lui permettait d’atteindre 8 nœuds, ce qui était suffisant pour les courts déplacements qu’elle devait effectuer. L’équipage était de 290 hommes.

Il est vrai que la situation militaire le long de l’estuaire n’est guère brillante et peut susciter quelques inquiétudes… Depuis 1853, la citadelle de Blaye est classée en 3ème catégorie des places de guerre, le fort Pâté lui étant rattaché, alors que le fort Médoc est quasiment laissé à l’abandon. Théoriquement, il revient aux 12 pièces d’artillerie de Blaye et aux 24 de Royan de défendre la Gironde à tout navire prussien qui serait tenté d’y pénétrer. Bien que ces armes soient obsolètes, car non rayées, on pouvait au moins tenter l’affaire… Encore faudrait-il disposer du personnel pour les mettre en œuvre… Ce qui n’est pas le cas, comme s’en désole le commandant du Génie de la place de Blaye rentrant de sa mission d’inspection à la fin du mois d’août 1870 : "Si l’artillerie est là, ce sont les hommes qui font défaut… Il faut se rendre à l’évidence, il est impossible de tirer !!"

L’on songe alors à barrer la rivière avec des lignes de torpilles dont on connait désormais l’efficacité. Mais là aussi il faut se rendre à l’évidence : les passes sont trop larges. On imagine alors de fermer la Garonne, moins large, par trois lignes de torpilles : deux à hauteur du bec d’Ambés et une face à Lormont, leur protection devant être assurée par des batteries de campagne qu’il y aurait lieu d’amener à proximité. Hélas, l’on ne dispose d’aucune torpille… On pense alors à en fabriquer pour s’apercevoir rapidement "qu’il est presque impossible de produire, avec les moyens disponibles, le modèle de torpille adopté par le Ministère de la Marine." L’idée d’utiliser des torpilles était donc définitivement abandonnée.

Que reste-t-il pour interdire aux éventuels navires Prussiens l’accès de la Gironde ?

L’Adonis.
Aviso de 760 tonnes, équipage de 88 hommes, propulsion mixte (voile et charbon), armé initialement de 4 canons de 12, puis de 14.

Les évènements prenant une tournure dramatique (après la reddition de Napoléon III, les armées prussiennes et leurs alliés envahissent le nord de la France, encerclent Paris puis l’assiègent dès le 17 septembre…), la décision est prise de faire appel aux moyens locaux de la Marine. Ainsi, la batterie flottante l’Embuscade est positionnée sur la rive gauche de la Garonne, en face de Saint Louis de Monferrand. [5] Afin de renforcer son action, deux avisos, "l’Ariel" et "l’Adonis", reçoivent l’ordre de patrouiller dans l’estuaire et de veiller à l’application de règles de navigation notablement durcies, comme par exemple l’interdiction de naviguer la nuit ou bien encore l’obligation de se présenter au port de Pauillac afin d’avoir l’autorisation de poursuivre sa route vers Bordeaux. Ces différentes dispositions ne seront levées qu’au cours du premier semestre 1871, une fois la guerre terminée (signature de l’armistice le 28 janvier et du traité de Francfort le 10 mai).

1871, la défense des côtes passe au second plan.

Après la terrible défaite que vient de subir le pays, la défense des côtes passe sans conteste au second plan des préoccupations. Le plus urgent est de consolider le pouvoir politique en place, de payer le plus rapidement possible l’énorme dette de guerre imposée par l’occupant pour se retirer du pays et enfin de refonder l’État.

Dans ce cadre et s’agissant de la Défense, les autorités de la toute jeune 3ème République vont créer en quelques années une nouvelle armée. Les lois organiques des années 1870 vont poser les bases de cette armée en mettant en place un modèle du type "nation en arme".

Concrètement, les effectifs nécessaires seront obtenus grâce à la conscription et chaque province devient la zone de stationnement d’un Corps d’Armée (CA), placée aux ordres de celui qui le commandera en temps de guerre : pour la première fois dans l’histoire de France, il y a une véritable continuité dans l’exercice des responsabilités. A Bordeaux est créé le 18ème CA, composé de deux divisions d’infanterie (la 35ème à Bordeaux, la 36ème à Bayonne), comprenant elles-mêmes 2 brigades d’infanterie avec 2 régiments d’infanterie (RI) chacune. L’un des régiments de la 70ème Brigade (dont le poste de commandement est aussi à Bordeaux), est le 144ème RI, licencié en 1814, et recréé à la fin du mois de septembre 1873. Dès le mois de février 1874, l’un de ses 3 bataillons vient s’installer dans la citadelle de Blaye.

Ligne des trois évéchés.
Le principal effort de fortification concerne la nouvelle frontière Nord-Est du pays.

Parallèlement à ces mesures, l’élaboration d’un véritable système défensif est décidée. En effet, la perte de l’Alsace et de la Lorraine impose de nouvelles frontières dépourvues de défense naturelle face à l’empire allemand. Le 17 Juillet 1874 une loi cadre est votée, des crédits d’un montant total de 88 millions de francs alloués à la construction du système de fortifications face au Nord-Est du pays. La réalisation de ce gigantesque chantier est confiée à un organisme dédié, le Comité de Défense, dont l’homme-orchestre va être le général Séré de Rivières, chef du service de construction du Génie. Polytechnicien, Séré de Rivières (20/5/1815 - 16/2/1895) a fait toute sa carrière dans l’arme du Génie : comme Vauban, c’est un ingénieur, un technicien et un soldat. De la guerre de 1870, il a retenu deux leçons : la supériorité écrasante de l’artillerie prussienne et l’importance des voies ferrées. Son idée maîtresse est de créer un dispositif défensif à base de fortifications construites en dehors des agglomérations, se couvrant mutuellement et échelonnées dans la profondeur. Ces fortifications ne se veulent pas une barrière infranchissable, mais un moyen pour que l’armée puisse disposer du temps nécessaire dont elle a besoin pour monter en puissance (réussir la mobilisation), avant son engagement, qu’il soit offensif ou défensif. La priorité est donnée à la frontière avec l’empire allemand, mais d’importants travaux sont également réalisés, sur la frontière Nord et dans les Alpes.

La défense des Côtes, non prioritaire, est limitée à l’essentiel : les ports de guerre, les trois estuaires et les principaux ports de commerce. La nouvelle Commission de défense des côtes, opérant sous l’égide du "Comité de défense", tranche dans le vif : l’idée de rapetasser une fois de plus les vieux ouvrages au ras de l’eau est rapidement abandonnée au profit d’ouvrages modernes implantés sur des points hauts, pour voir loin, mais aussi tirer vite et loin.

Une innovation technique révolutionne l’art des fortifications.

A partir du milieu des années 1880, alors qu’une grande partie des ouvrages du plan Séré de Rivières sont sortis de terre, l’aboutissement de plusieurs années de recherches bouleverse profondément la donne et remet en cause l’existence même de ces constructions. Ces bouleversements, qui concernent l’armement gros calibre, sont quelques-unes des conséquences de la révolution industrielle que connaît la France depuis une trentaine d’années.

Le domaine de la sidérurgie est le premier à être transformé (production d’un acier de qualité qui remplace la fonte pour la fabrication des canons et des projectiles) ; ensuite, c’est celui de la métallurgie (rainurage précis des tubes, micromécanique des fusées de mise à feu des projectiles) et enfin celui de la pyrotechnie grâce aux fantastiques progrès de l’industrie chimique (découverte de la mélinite, puissant explosif brisant et mise au point d’une poudre d’origine chimique qui va remplacer progressivement la poudre noire pour la propulsion des projectiles).

Effets d’un projectile chargé d’explosif brisant (mélinite).
Ces essais ont été réalisé en 1886 sur un fort construit entre 1878 et 1882 (La Malmaison, à l’entrée du Chemin des Dames).
A gauche la façade du logement de la troupe est littéralement défoncée, il en est de même pour la voute de la soute à munition (à droite).
Si le sujet vous intéresse, consultez cet excellent site dont ces photos sont extraites : http://fortificationetmemoire.fr/le-fort-de-la-malmaison/

Ces différentes évolutions transforment radicalement l’armement gros calibre et provoquent une véritable crise (certains auteurs, la nomme "crise de l’obus torpille", du nom donné à l’époque aux nouveaux obus de par leur forme allongée et oblongue). Ainsi, d’une artillerie peu performante jusqu’aux années 1870, l’on passe quinze ans plus tard, à une arme dont l’efficacité est multipliée par 6 ou 7, tant en matière de portée des canons, qu’en matière d’effets des projectiles (l’obus chargé d’explosif brisant supplante alors définitivement le boulet creux rempli de poudre noire).

Le résultat est sans équivoque : les fortifications existantes ne résistent pas à de tels projectiles... Il devient impératif de protéger les installations de surface par une épaisse chape de béton, matériau qui commence à être employé à l’échelle industrielle, d’utiliser des plaques de métal pour protéger les pièces et les hommes qui les servent (apparition des premières tourelles à éclipses). Quant aux munitions, elles vont être mises à l’abri dans des soutes profondément enterrées dans le sol, dénommées "magasins sous roc" ou "magasins cavernes".

La renaissance du verrou de l’estuaire.

Ces différentes innovations techniques viennent chambouler totalement la planification établie en 1874 par Séré de Rivières. Ce dernier, "mis à la retraite" en 1880, verra son œuvre poursuivie encore quelques années par son successeur, mais celle-ci ne sera jamais menée à son terme, les coûts induits par les modifications devant être apportées pour que les ouvrages résistent aux nouveaux projectiles devenant excessifs.

C’est dans ce cadre qu’en janvier 1888, le ministre de la Guerre consulte la commission d’études pour la défense du littoral en vue de l’élaboration d’un nouveau programme de défense des côtes. Cette consultation a pour objet d’actualiser l’ancien programme élaboré sous l’égide de Séré de Rivières en instituant, pour chaque arrondissement maritime, une commission mixte composée d’officiers de l’Artillerie, du Génie et de la Marine.

S’agissant de la défense de l’estuaire de la Gironde, l’avis de la commission du 4ème arrondissement maritime est net : "La commission estime que dans la Gironde, c’est la deuxième ligne la plus efficace comme clôture par suite de la disposition des lieux, qui est à classer en 1ère urgence."

Le préfet maritime partage cet avis et propose que soit dévasé le bassin de Mortagne de manière à ce que les torpilleurs puissent jouer le rôle qui est leur est dévolu dans la défense de la Gironde. En outre, il souhaite l’étude de l’établissement d’un canal entre la Seudre et la Gironde pour que les torpilleurs n’aient pas à faire le tour par l’extérieur.

L’affaire est donc entendue : plus aucuns travaux ne seront engagés sur la première ligne de défense (forts de Royan, de Suzac, du Verdon et de la Pointe de Grave) et la priorité va être donnée à la seconde ligne.

Il est vrai que la citadelle de Blaye offre des opportunités toujours intéressantes :
 d’une part, dominant l’estuaire d’une vingtaine de mètres, la position est idéalement située pour l’observation du plan d’eau comme pour le réglage des tirs ;
 d’autre part, son sous-sol est parcouru par un important réseau d’anciennes carrières [6] facilement aménageables pour mettre les munitions à l’abri : il n’y a donc pas de dispendieux magasins sous roc à creuser, moyennant quelques aménagements ils existent déjà, le coût des travaux est estimé à 100 000 francs.

C’est ainsi que va renaître le verrou de l’estuaire, quelques deux siècles après sa création sous l’égide du commissaire général des fortifications de Louis XIV, Sébastien Le Prestre, noble et seigneur de Vauban, maréchal de France.

L’armement de la deuxième ligne de défense.

Dans son rapport du 22 aout 1888, la commission du 4ème arrondissement maritime a très clairement exprimé donner la priorité à la deuxième ligne de défense, elle propose donc la mise en place d’une artillerie très puissante et nombreuse, tant dans la citadelle de Blaye, qu’au fort Pâté et au fort Médoc.

L’organisme supérieur, la Commission d’études pour la défense du littoral, qui possède une vision globale des menaces et notamment de l’ennemi capable de s’infiltrer dans l’estuaire, tempère ces demandes qu’elle estime excessives : "Les seuls bâtiments qui pourront s’aventurer au-delà de Pauillac et chercher à franchir les passes sont des croiseurs et des torpilleurs. Le calibre de 19 parait donc suffisant avec quelques canons de 95 et canons à tir rapide contre les torpilleurs"… "Il semble d’autre part peu utile de disséminer le gros armement entre les 3 ouvrages de cette ligne et la citadelle de Blaye parait particulièrement propre à les recevoir ; on n’armerait les forts Pâté et Médoc que de quelques pièces de 95 et de canons à tir rapide spécialement destiné à agir contre les torpilleurs."

A quelques détails près, abandon des canons à tir rapide pour le fort Pâté et le fort Médoc, c’est cette solution qui va être adoptée :
  pour Blaye, 6 canons de 19, 4 canons de 95 et 2 canons de tir rapide,
  pour fort Pâté et fort Médoc, 4 canons de 95 chacun.

Poste de commandement (PC) de l’artillerie de la citadelle à la fin du XIXème siècle.
Rare document d’époque montrant le PC situé sur la tour de l’Éguillette.
On remarque l’abri métallique aujourd’hui disparu.

Notes

[1Simon ADO est né à Saint Ciers sur Gironde, a fait ses études secondaires à Blaye et supérieures à Bordeaux. Il est actuellement professeur d’histoire au collège de Lacanau. Il est par ailleurs l’auteur d’un mémoire de master sur la citadelle à la fin du XIXème siècle devenu un très beau livre édité en 2015 par les "Cahiers du Vitrezay". Un article sur ce site lui est consacré http://www.vieuxblaye.fr/spip.php?article79

[2Le fusil Chassepot, du nom de son créateur Antoine Alphonse Chassepot, est le premier fusil français à culasse calé et verrou fixe. Il pèse 4 kg non chargé, 4,7 kg chargé et équipé de son sabre baïonnette. Il tire une balle de 11 mm jusqu’à une distance maximale de 1700 m, sa portée pratique était de 200 m. Sa cadence de tir était comprise entre 7 et 14 coups par minute selon la dextérité du tireur. Il a été produit à plus d’un million d’exemplaires.

[3Antoine, Hector, Thésée Treuille de Beaulieu, né à Lunéville en mai 1809, il entre à l’École polytechnique en 1829. Lieutenant d’artillerie en 1833, capitaine en second en 1840, il sert alors à la manufacture d’armes de Châtellerault. Dans un mémoire adressé en juin 1842 au Comité de l’artillerie, il préconise avec insistance le chargement par la culasse de canons rayés. Après son temps de commandement, il est affecté à l’Établissement de Bourges où il est chargé de la construction des pièces de 24 rayées prévues pour la Crimée, puis des canons de campagne rayés modèle 58 du système La Hitte. Nommé lieutenant-colonel en 1857, il est colonel en 1859. En 1867, le général de brigade de Beaulieu commande l’artillerie de la 7ème division militaire ; en 1870, il organise les batteries de l’armée du Nord, est nommé général de division en 1871, passe au cadre de réserve en 1874 et meurt en 1886.

[4Émile Ollivier, le président du Conseil, n’hésite pas à lancer le 19 juillet 1870 devant le Corps Législatifs que "c’est le cœur léger que je déclare la guerre à la Prusse…" Et son ministre de la Guerre, le maréchal Lebœuf, n’avait quant à lui pas hésité à ajouter devant le parlement quelques jours avant "Nous sommes prêts, archi-prêts, la guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats".

[5Mise en service en octobre 1866, l’Embuscade a été construite par les Chantiers de l’Océan à Bordeaux. Après avoir transité par Lorient et Cherbourg pour y être armée, elle est mise en réserve en 1867. En juillet 1870, elle est renvoyée à Bordeaux, puis rejoindra Rochefort où elle sera désarmée en 1871 et mise en réserve. En 1884, elle devient le bâtiment central de la défense mobile à Rochefort avant d’être retirée du service l’année suivante. Transformée en ponton et mouillée devant la Corderie Royale de Rochefort en 1920, elle sera vendue à la démolition en 1944.

[6Une grande partie des pierres utilisées pour la construction de la citadelle, entre 1685 et 1689, a été extraite de ces carrières.





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